En ce mois de septembre, Smart a été interpellée par la Commission sur ce qu’ils appellent les travailleurs non-standards. Pourquoi ? Parce que parmi les grands chantiers de la nouvelle Commission présidée par Ursula von der Leyen, la question de ces travailleurs est mise sur la table à différents niveaux.
Tout d’abord parce que la Commission hérite du Socle Européen de Droits Sociaux de la Commission Juncker et qu’elle s’est engagée à la poursuivre, même l’approfondir. Ensuite parce que parmi les objectifs clés de la politique de l’Union, figure la mise en place d’une stratégie numérique européenne (Digital Services Act), dont l’un des objectifs est de cadrer et améliorer la situation des travailleurs de plateforme.
En particulier, il revient au Commissaire à l’emploi et aux affaires sociales, Nicolas Schmit de traiter la question des travailleurs non standards qui sont sous-jacents à ces dossiers. Il a pour responsabilité(parmi d’autres) de renforcer la dimension sociale de l’UE en élaborant un plan d’action pour mettre en œuvre le socle européen des droits sociaux, de coopérer avec les États membres pour renforcer les systèmes de protection sociale en Europe et enfin d’améliorer les conditions de travail des travailleurs des plateformes. Il dispose de la Direction générale de l’emploi, des affaires sociales et de l’inclusion pour l’aider dans la tâche.
Comme tout est dans tout, le Pilier de droits sociaux se heurte depuis le début avec le droit à la concurrence de l’UE. En effet, si le pilier vise un traitement juste et équitable des travailleurs quels que soient le type et la durée de la relation de travail, le droit à la concurrence lui ne permet pas eux indépendants de fixer un prix minimal pour les prestations de services. En effet, selon le droit à la concurrence, les travailleurs indépendants sont considérés comme des «entreprises». Or, mener des actions collectives portant sur la rémunération des services ou convenir collectivement d’un tarif de rémunération des services est considéré comme étant un acte de fixation de prix, ce qui va à l’encontre du droit à la concurrence. De ce fait, l’analyse de l’opportunité de réviser le droit à la concurrence est en cours au sein de la Commission.
Dès le début (la première consultation remonte à 2016), Smart s’est intéressée au Socle Européen de droits sociaux, et a participé aux diverses consultations sur le sujet. Car au niveau politique, Smart porte un projet de transformation sociale qui passe par la promotion du modèle de l’entreprise partagée comme une des réponses utiles aux enjeux et aux mutations du monde du travail. Nos axes de plaidoyer portent sur deux objectifs principaux :
- faire connaître son modèle d’entreprise partagée et reconnaitre l’activité des membres comme étant éligible à toute aide, marché et agrément nécessaires pour son bon déploiement,
- améliorer l’accès à la protection sociale des freelances. De par son expertise en matière de « travail non standard », qu’il s’agisse de freelance ou de travailleurs de plateformes (notamment grâce à l’accord qui avait été passé avec Deliveroo) Smart est reconnu et dans les derniers mois Smart a été interpellé sur ces questions. En juin c’est la DG Concurrence qui l’a interpellé sur la nécessité de revoir le droit à la concurrence pour permettre aux travailleurs indépendants de fixer un tarif minimal. En septembre c’est le Commissaire Schmit qui invite Smart à une table ronde virtuelle sur les travailleurs de plateformes, et puis la DG Emploi qui reçoit virtuellement Smart suite au document politique de cecop sur les travailleurs « non-standard » et le COVID.
Les messages clés de Smart dans les trois rencontres peuvent se résumer dans les points suivants :
- Une série de tendances et d’évolutions dans le monde du travail (liées aux modes de production, aux politiques d’emploi, aux modes de vie, nouveaux secteurs d’activité, etc.) induisent un nombre grandissant de personnes à être freelances. Il s’agit de personnes qui ont plusieurs clients et qui sont pour la plupart dans la discontinuité du travail et/ou de la rémunération. Ces travailleurs ont un savoir-faire et leurs métiers ne demandent pas un grand investissement de base (outils). Ils bénéficient d’autonomie (avec différents degrés d’autonomie possibles), mais sont aussi plus vulnérables en cas de problème économique (perte d’un gros client, crise…), fragilité liée à la santé (maladie, accident, maternité), voire même en cas de problème d’ordre privé (divorce). Ces travailleurs ne doivent pas être pénalisés par le fait qu’ils prestent de manière irrégulière, d’autant plus quand ils sont salariés. Il faut travailler vers plus d’universalisme dans la protection sociale.
- Les travailleurs de plateformes sont des travailleurs atypiques comme les autres, il ne faut pas créer de 3e statut, mais plutôt travailler avec le droit tel qu’il existe et l’adapter à la situation de ces travailleurs. Car les freelances, comme les travailleurs de plateformes, peuvent fonctionner tant sous le statut de:
- indépendant : dans ce cas il faut s’assurer qu’ils jouissent d’une réelle autonomie et qu’ils ne travaillent pas à perte, pour cela il faut prendre en compte le coût des outils de travail, de la couverture sociale (publique et privée nécessaire à l’exercice de la profession) et le temps de travail.
- salarié : que ce soit en engagement direct par contrats à durée déterminée ou via une coopérative comme Smart. Pour ces travailleurs, il faut travailler aux règles d’accès à la protection pour les rendre éligibles au même niveau de protection sociale que les salariés en CDI.
- Le modèle coopératif est le modèle qui est le plus à même de permettre l’autonomie et l’accès à la protection sociale dont les travailleurs freelances ont besoin, car le modèle est cadré par une gouvernance démocratique, une redistribution de la valeur créée au sein de la communauté de travailleurs et la collectivisation d’acteurs isolés. En ce qui concerne les plateformes digitales, les plateformes coopératives sont un modèle à promouvoir.
Les coopératives internalisent les coûts sociaux et sont capables de répondre aux défis environnementaux, ce qui répond aux objectifs globaux du Pacte Vert et de la Transition Juste de la Commission von der Leyen. Mais ces modèles se heurtent à une concurrence rude des plateformes purement capitalistes qui elles externalisent les coûts sociaux et environnementaux au nom du profit, laissant les collectivités payer la facture. Pour aider les modèles coopératifs à éclore, on peut imaginer des politiques incitatives comme la déductibilité des impôts du capital social investi dans la coopérative où on travaille. Pour répondre à ces défis, il faut que le droit à la concurrence prenne en compte la question des externalités sociales et environnementales afin de ne pas créer de concurrence déloyale en défaveurs de ceux qui en portent le coût.
2 réponses sur « Une rentrée au rdv avec la Commission européenne »
Merci pour le travail de synthèse
Les freelances des platerformes, qu’elles soit capitalistiques ou coopératives sont concerné.e.s par ce débat depuis des lustres; débat largement dominé par Uber & co et des syndicats européens peu enclins à soutenir notre modèle d’entreprise partagée ! Le lobby sur le programme SURE (100mia pour notre secteur) et les fonds régionaux s’est fait sans Smart ! Il est devient URGENT que Smart fasse valoir auprès de l’UE son modèle disruptif qui garantit nos valeurs sociales européennes, comme j’invite Smart à le faire depuis longtemps. Nous avons ici à Bruxelles les compétences des coopérateurs européens aguéris pour le faire. Il manque juste un bureau de représentation comme porte-voix « efficace » pour représenter nos intérêts auprès de L’UE. #SmartVibes2020