Souvent vêtue de couleurs vives, l’énergie de Céline est une invitation au sentiment joyeux. Conseillère chez Smart depuis 2011, son rire ponctue le brouhaha dans la cour fleurie du site de Saint-Gilles (Bruxelles) pendant les mois d’été.
D’origine française, elle est arrivée en Belgique “un peu par hasard pendant un magnifique mois d’août” et a décidé d’y rester. Pendant quinze ans, elle a travaillé en tant qu’habilleuse et costumière pour le cinéma en Belgique et aux Pays-Bas… cela lui a permis d’apprendre le néerlandais. Puis un bébé est arrivé et l’insécurité de travailler pour des prestations de courte durée s’est manifestée : “Tu ne sais jamais quand ça va recommencer ni si ça va reprendre. Et puis, il fallait à chaque fois renégocier les conditions.” Une amie costumière lui suggère de postuler chez Smart, elle lui réplique “mais ils ne vont jamais me prendre” et tente tout de même le coup. “Quand Marie (NDLR: équipe RH) m’a engagée, elle m’a demandé si je n’allais pas m’ennuyer, j’ai répondu que je ne pensais pas. Voilà, elle a pris le pari et moi aussi… je ne me suis jamais ennuyée et je suis ravie d’être là” assène-t-elle d’un sourire éclatant.
Écoute et capacité d’adaptation, les indispensables du métier
À la question comment décrirais-tu ta fonction, Céline pause. Bien sûr, il y a une fonction “bêtement administrative” et pourtant éminemment nécessaire pour garantir le paiement des salaires, le traitement des notes de frais ou encore la garantie d’être assuré·e. Mais ce qu’elle souligne surtout c’est la nécessité d’avoir la capacité de pouvoir s’adapter à tous les profils et toutes les situations. “On a aussi et surtout une fonction de conseil, d’orientation des différentes personnes qu’on reçoit et on doit pouvoir les challenger et se challenger soi-même. (…) Notre public est tellement divers, que ce soit au niveau des capacités de compréhension de nos outils, du positionnement de chacun par rapport au travail qu’ils souhaitent effectuer ou qu’ils sont en train d’effectuer… il faut les attraper là où ils sont et donc il faut avoir une grande capacité d’adaptation, vraiment. C’est le truc le plus important. C’est fort didactique notre travail, c’est vraiment de la pédagogie et du coaching. Il faut pouvoir comprendre la personne assez vite, comprendre ses stress, ses questions et ses non-dits et voir avec quoi on la laisse repartir pour l’aider au mieux”.
Un agenda bien tenu:
le secret pour ne pas se laisser envahir
Céline accompagne entre 150 et 170 Unités de Production* dans des secteurs très variés. Entre les questions par mail, par téléphone, les rendez-vous au bureau, les formations, les réunions, il faut parfois pouvoir tempérer pour se prémunir. “Le flux est constant avec des urgences à gérer plus urgentes que d’autres, des demandes qui te sont envoyées comme étant urgentes alors que pas du tout, ou mal formulées…. J’essaie d’organiser mon agenda au mieux, par exemple je ne me mets pas de rendez-vous tous les jours. Tu vois, j’ai des journées où je suis publique et d’autres pas. Il y a des journées où je ne veux pas recevoir de personnes pour pouvoir faire des choses de fond, ou un peu plus difficiles, ou traiter une grande quantité de choses.”
*NDLR: Au sein de l’entreprise partagée Smart, l’Unité de Production désigne l’unité économique autonome qui permet de développer son activité économique propre.
Une palette d’humanité
“Le contact humain”. À la question que préfères-tu dans ton métier, Céline n’a aucune hésitation. “J’aime les gens, leurs histoires, leur donner des coups de pouce, leur faire plaisir, répondre vite… voilà”. D’ailleurs, des belles histoires, elle les collectionne. Comme celle de ce jeune homme, photographe, qui lui annonce qu’avec sa copine ils veulent faire le tour du monde. Il a contacté l’Oréal, “pas froid aux yeux”, leur a proposé de leur ramener des photos de plages et de couchers de soleil en échange du financement de leur voyage. Deal. “Je l’ai suivi pendant tout son voyage, je validais ses documents. Il y a plein de belles histoires. Et puis tu vois aussi un sacré échantillon de la société, de la jeunesse. Il y a un tel éventail de diversité, c’est vraiment riche”.
Un boentje pour les métiers artistiques
Pas de langue de bois avec Céline. “On a tous des métiers pour lesquels on a plus d’affection ou de compréhension. Moi, j’ai un lien avec les métiers artistiques et j’essaye de coacher les gens, de leur dire de bien se positionner, de bien se défendre, de bien anticiper les choses. Tous ces métiers d’intermittents partagent les mêmes réalités et on en a beaucoup chez nous.”
Des collègues, des ami·es, une famille
Quand on lui demande comment est l’ambiance chez les Turquoises, elle rit en disant : “Je trouve qu’on est fun, vraiment. On ne veut pas se prendre la tête. C’est un accord tacite. On est solidaires aussi. Je sais qu’il y a des équipes qui ont des réunions très longues avec beaucoup de négociations, etc. Chez nous ce n’est pas du tout comme ça. C’est assez fluide… organique ! C’est donc aussi un peu troublant quand une nouvelle personne rejoint l’équipe. Ça déséquilibre toujours un peu donc il faut faire en sorte que ce nouveau venu se niche dans l’équipe en y trouvant son aise, tu vois.”
Puis on lui a demandé si depuis 2011 il y avait eu un moment qu’elle ne pourrait jamais oublier. Elle a souri – presque timidement – “je ne sais pas si je peux raconter ça”. On l’invite à poursuivre, qu’on pourra toujours décider de censurer ensuite. Mais non, nous ne censurerons pas parce que les violences ne doivent jamais être tues. Il y a quelques années, arrivée de bonne heure au bureau, on lui tend un paquet. “Et je trouve ça étrange car je n’avais rien commandé. J’ouvre le paquet et dedans, il y avait une merde. Sur le paquet il était écrit à l’attention de Céline.” Elle referme la boîte, en état de choc. Avec Bernadette (NDLR: juriste), elles décident de porter plainte. “Les policiers arrivent, ils étaient trois, et ils disent ça a l’air super votre lieu de travail. Tout au long de la matinée, j’ai reçu des témoignages d’amitié de tous les collègues. Ces flics qui n’arrêtaient pas de me dire mais c’est super pendant que tout le monde venait me voir pour me faire un petit câlin.” Finalement, il s’est avéré que ce colis ne lui était pas destiné. “Quelle violence! On n’a jamais retrouvé l’expéditeur et bon, je te passe les détails. Mais mon souvenir de cet événement, c’est cette espèce de grande famille… beaucoup d’attention des collègues et ça c’est un très bon souvenir en fait”. Optimiste jusqu’au bout des ongles, Céline.
Chère sécurité sociale
On lui a demandé ce qu’elle accomplirait avec une baguette magique. Elle n’a d’abord pas eu l’air de franchement apprécier la question: “Je ne suis pas très baguette magique… je crois que si j’en avais une je la rangerais dans un tiroir”. Puis elle a tout de même profité de la tribune pour pousser un coup de gueule. “J’aimerais que dans les écoles on forme mieux les élèves à l’aspect argent, gestion, réalité de la vie. On les balance dans le monde du travail sans savoir ce que la vie coûte, ce que cela implique. S’ils n’ont pas eu ça dans leurs familles… il y a plein de gens qui ne savent pas se vendre, qui ne connaissent pas le prix des choses, qui ne savent pas ce qu’est la TVA, à quoi ça sert, comment on finance la sécu… Ça je trouve que c’est un énorme manque et ça crée des gens perdus, inadaptés presque, et qui risquent de voter à l’extrême droite et qui ne comprennent rien. Ça devrait être obligatoire”. Amen.
Smart, une voie de liberté
Céline n’a pas échappé à la question (facile) Smart, pour toi c’est… “C’est un chemin parallèle avec des petits cailloux parfois, des petites flaques mais c’est assez bucolique. Pour nous qui travaillons c’est un super biotope avec des super chouettes personnes. Pour les membres, c’est une voie de liberté de pouvoir te dire je vais faire ça… ah ben finalement je vais faire ça. J’espère que ça va perdurer.” Amen bis.
En aparté…
“Je trouve que c’est une bonne idée de faire ces interviews parce que je pense qu’il y a beaucoup de membres qui ne savent pas quel est notre rôle. Pouvoir expliquer qu’on est plutôt un partenaire qu’un gendarme. Je pense qu’il faut travailler, au niveau de la communication, la question de ce qu’on est vraiment, du service qu’on offre, de sa particularité… c’est pour ça que les portraits sont intéressants, ceux des membres aussi. C’est chouette d’avoir fait ça, d’avoir des récits et des images de personnes sur le site.”