Fixer des prix (justes). Partie1 : Une question de dimensions ?

Services et outils

Par Céline Viardot.

Ce blog est le nôtre, celui des membres de la coopérative. Il permet à la structure de partager de nombreux contenus dont la voix des sociétaires.

Céline Viardot est membre de Smart Allemagne et formatrice. Elle dispense notamment des formations dans le cadre du parcours « (Re)développer son activité » conçu pour les sociétaires de Smart Belgique. Nous lui avons demandé de nous partager son approche. 

Vendre un produit, un service ou une œuvre est souvent vécu comme un défi. Il faut se confronter à ses croyances: ce qu’on pense être attendu par un secteur ou par le client, ce qu’on pense être réalisé par la concurrence. Il faut également se confronter à ses émotions au moment de vendre: «Si le client ne prend pas mon offre, c’est qu’il ne m’aime pas. Donc, si je lui fais un cadeau, il va m’aimer et prendre ma proposition».

À ce moment précis, on oublie que le prix intervient à un instant donné mais répété: l’échange commercial, c’est-à-dire le moment où un client va accepter d’échanger son argent contre un bénéfice. Ce bénéfice peut prendre des formes différentes, un produit, un service, une œuvre d’art, une œuvre intellectuelle, etc. L’échange commercial est un moment magique: ce moment où les émotions et les dimensions économiques s’entremêlent.

Émotions, car lorsqu’on vend, on est sur le devant de la scène : face à un, voire plusieurs humains, on donne à voir une partie de son intimité (depuis ses rêves jusqu’à ses peurs).
Dimensions économiques, car en même temps qu’on vend, on pense à sa perception de «la concurrence et du marché» et de «ce que veulent payer les client·es»; mais on se souvient aussi de ce qu’a coûté la production, de ce qui est nécessaire pour que son activité dure.

Et si nous détricotions cet entrelacs pour fixer des prix justes? Si nous envisagions étape par étape les dimensions qui rentrent dans la construction d’un prix juste?

Mais d’abord, qu’est-ce qu’un prix juste?

Le prix est une valeur d’échange, en monnaie, qui va symboliser l’échange entre un client et mon entreprise (ou mon Activité Smart).

Ce prix est juste quand il participe à:

  • couvrir le fonctionnement de ton activité (frais divers, loyer, matériel,…);
  • te rémunérer décemment, c’est-à-dire te permettre de vivre mais aussi d’anticiper les risques de la vie;
  • rémunérer et payer décemment celles et ceux qui ont aidé à produire le bénéfice apporté;
  • détruire le moins possible la planète (en option).

Comment construire un prix juste?

D’abord, il est nécessaire de sortir d’une posture égo-centrée: «Quand on est entrepreneur, il faut savoir se vendre»
Toi aussi, tu as déjà entendu cet adage? Pourtant des humains que l’on vend sont les esclaves. Cette vérité signifie-t-elle qu’il faut «s’auto-esclavagiser»?

La première dimension du prix, ce n’est pas toi, mais ton activité. Ton activité a une identité et un fonctionnement propres. Il est temps de lui redonner sa place et de renforcer ses racines:

Qui est-elle ?
  • Quelle est sa raison d’être ? Sur quelles valeurs repose-t-elle ?
  • Quelles sont les personnes, les institutions, les entreprises avec lesquelles elle échange du temps, des ressources, de l’argent, bref, quelles sont ses parties prenantes ? Est-ce que ces parties prenantes veulent participer à créer le même monde?
Ses besoins. Ton activité a besoin de deux éléments:
  • Un·e entrepreneur·e en bonne santé, c’est-à-dire qui a du temps pour se reposer et prévoir son futur.
  • Un outil de production qui fonctionne et fonctionnera encore dans quelques années.

En faisant ce travail de décentrage, tu commences à comprendre que «tu ne te vends plus» mais que tu vends un bénéfice produit par ton activité.

Connaître le coût de revient des offres de ton activité

Comment fixer un prix, si tu ne sais pas combien cela a coûté à ton activité de produire le bénéfice que tu apportes ?
Comme le sujet est dense, il fera l’objet d’un second article. Mais tu peux déjà commencer à calculer ce que la production de ta dernière offre a coûté à ton activité.

Identifier les besoins des clients

En créant l’identité de ton activité, tu as déterminé dans quel écosystème tu vas la déployer. C’est dans cet écosystème que tu vas trouver des bénéficiaires (ceux à qui tu apportes du bénéfice) et des clients potentiels (des bénéficiaires qui sont capables et disposés à payer ce bénéfice à un prix juste).
Lorsque tu leur apportes des services ou des produits, tu réponds à des besoins exprimés ou non par tes bénéficiaires. En te demandant pour chaque offre et chaque bénéficiaire, à quoi sert cette offre ou pourquoi ils prennent cette offre, tu vas trouver le bénéfice attendu.

Structurer et valoriser tes offres

Maintenant que tu connais le bénéfice attendu par les clients et bénéficiaires, tu peux structurer des offres qui répondent exactement à leurs besoins. Pour cela, il te suffit de construire les étapes entre le moment où ton client acceptera ton devis jusqu’au moment où il te paiera la facture finale.
Pour chacune de ces étapes demande-toi quelles « briques de valeur » tu vas mobiliser. Les briques de valeurs sont les suivantes :

  • Des processus ou activités : il s’agit d’un enchaînement de mouvements ou d’actions que tu réalises pour franchir l’étape. Tu peux quantifier le temps nécessaire pour chacun.
  • Des compétences : ce sont les connaissances mais aussi les savoir-faire et les savoir-être que tu maîtrises et que tu vas mobiliser pour franchir l’étape. C’est la partie non quantifiable du bénéfice, cependant tu peux la qualifier grâce à des diplômes, des validations d’acquis, des retours clients, etc.
  • Des ressources tangibles : Ce sont des éléments matériels ou intellectuels qui appartiennent à ton activité et dont la mobilisation permet de diminuer le temps ou le niveau de compétences nécessaires à la production et d’augmenter la valeur produite. Exemples : une machine à coudre ou un patron de tricot sont des ressources tangibles (si tu produis des vêtements par exemple)
  • Des parties prenantes de ton écosystème de production (partenaires, sous-traitants, fournisseurs, etc.) à qui tu peux déléguer une partie de ta production.

Parce que tu as fait cet exercice, tu es en mesure maintenant d’exprimer le bénéfice que tu vas apporter à des clients (au travers de ton activité) et de décrire comment tu vas le leur apporter. Comme les clients se trouvent dans l’écosystème de ton activité, vous allez avoir un langage commun: l’échange va être plus simple et plus honnête. Il sera alors plus facile de positionner un prix juste, pour lui, pour ton activité et bien sûr pour toi.

Dans le prochain article, nous verrons comment calculer ce que coûte à ton activité l’offre que tu vends.

5 réponses sur « Fixer des prix (justes). Partie1 : Une question de dimensions ? »

Merci Laura, ça fait toujours plaisir de proposer des contenus qui vous parlent!

Merci beaucoup Laura pour ton commentaire qui m’a donné le sourire tout le temps de mes vacances 🙂

Je découvre cet article à l’instant ! Etant photographe à Bruxelles, je suis dans les grandes lignes tout à fait d’accord surtout sur la partie prévision et anticipation de la suite de son activité. Je n’y suis pas arrivé directement à avoir des clients en photo mais il est clairement plus facile de « penser stratégie » ou « futur » quand on sait qu’on sait se rémunérer ce mois-ci (on a l’esprit plus tranquille) plutôt que de courir derrière l’argent comme une poule sans tête pour garder la tête hors de l’eau… En tant que photographe à Bruxelles, je n’ai pas beaucoup de coûts additionnels (hors amortissement appareil photo, objectifs photo, flash, …) donc j’imagine que ça doit être plus complexe pour ceux qui ont des dépenses plus lourdes mais pour ceux qui sont photographes, graphistes, … je pense que le point très important, quand on démarre, est le passage à l’action assez rapide. On a tendance a se trouver des excuses ou se « sur-préparer » pour ne, consciemment ou non, pas y aller (j’ai été comme ça) mais au final c’est, souvent, la meilleure chose à faire que de se confronter au marché. C’est un avis évidemment personnel et pas spécialement une vérité universelle 🙂 Hâte de lire la partie 2

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