L’accord de gouvernement fédéral? Pas d’accord!

Opinions

Réduction des protections sociales, flexibilisation accrue du travail, augmentation des inégalités. Notre analyse de l’accord du gouvernement fédéral.

On revient de loin…

Mai 1858, préfet de Loire-Inférieure:

«Je vous invite donc, si votre commune n’est pas dotée d’un bureau de bienfaisance à chercher à me faire connaître des personnes disposées à accepter d’en former un. […] Lorsque vous aurez ainsi doté le bureau de bienfaisance, au moyen des ressources communales et de la charité privée, lorsque les véritables indigents seront assistés dans leurs besoins, soignés dans leurs maladies, vous prendrez un arrêté pour interdire la mendicité dans votre commune. Enfin, quand cette mesure sera prise partout, quand je n’aurai pas à craindre de voir une partie des communes s’exonérer de la charge de leurs pauvres au détriment des communes voisines, je pourrai prendre une mesure générale, interdire la mendicité dans le département de la Loire-Inférieure et repousser par là l’invasion des mendiants étrangers.»

La même année, le maire de Combrit:

«Quand cette liste aura été dressée, nous la diviserons en deux classes, celle des femmes et des enfants qui, reconnus incapables de gagner leur vie, seront mis à la charge des personnes charitables qui voudront s’en charger, et autant que possible, dans leur village même. Puis celle des vieillards ou infirmes reconnus incapables de gagner leur vie, et forcément tenus de la demander à la charité publique. Ceux-ci recevraient une plaque qu’ils porteraient sur eux et reconnus ainsi comme de bons pauvres, recommandés à la charité publique, ils seraient certains de trouver constamment des secours.»

2012, Monica De Coninck, ministre de l’Emploi:

«Pour contrôler si quelqu’un profite du système ou pas, c’est très facile: vous lui proposez un job. À Anvers, nous avons fait cela. Nous disions au chômeur qui ne trouvait pas d’emploi de venir le lendemain matin à 8 heures pour laver les vitres. On le lui proposait pendant une semaine le temps de lui trouver un emploi plus en accord avec ses qualifications.»

… mais on y retourne rapidement

Les pauvres et pauvresses, les malades, les vieilles et vieux, les étrangers et étrangères, les personnes privées de travail… Voilà l’os que le gouvernement va ronger pendant quatre ans: c’est bien de ce côté que sont attendues les plus importantes économies que l’on nous assène comme nécessaires.

Nous revenons à une époque où le devoir de l’État envers les plus fragiles s’exonère du droit individuel à la protection. Ce n’est pas un programme d’un néolibéralisme outrancier: Bart De Wever n’est ni Trump ni Musk. Il suit un libéralisme conservateur et passéiste, avec une vision à court terme. La composition du gouvernement en témoigne: c’est une affaire de notables, incarnant un passé de mâles blancs et bourgeois.

Le programme se décline en thématiques qui énumèrent dans le désordre des intentions…

  • « Nous examinons si et comment… »,
  • « La lutte contre les faux indépendants et les faux employés est renforcée »,
  • « nous évaluons, en concertation avec les partenaires sociaux, les chaines de sous-traitance… », etc.

… ou des mesures vagues, qui ne permettent pas d’en évaluer la faisabilité ou la portée:

  • « Nous demandons aux partenaires sociaux de réduire d’ici le 01/01/2027 le nombre de commissions paritaires afin de moderniser la concertation sociale »
  • « L’interdiction du travail de nuit est supprimée. La réglementation en matière d’heures d’ouverture est assouplie »
  • « La durée des allocations de chômage est limitée à un maximum de deux ans. Pour de courtes périodes de travail interrompu, la durée maximale est suspendue pendant la durée de cet emploi »

Ces mesures auront des conséquences lourdes:

  • réduction des droits aux allocations de chômage et autres revenus d’intégration,
  • extension de formes de travail partiellement en marge de la sécurité sociale, comme les flexi-jobs, le travail dans l’économie dite collaborative et l’économie de plateforme,
  • extension aussi du travail dérégulé comme le travail de nuit ou les dimanches et jours fériés, les heures supplémentaires, la flexibilisation des horaires.

Ces mesures vont modifier le marché du travail, affecter la santé des travailleur∙ses, augmenter la précarité, fragiliser les familles – tant les syndicats que la Ligue des familles l’ont déjà pointé – et toucher particulièrement les femmes.

Le gouvernement espère-t-il réellement créer les 500.000 emplois nécessaires à générer les sept milliards d’euros qui manquent pour atteindre ses objectifs? Si l’objectif caché est de créer une main-d’œuvre précaire et bon marché, taillable et corvéable à merci, c’est réussi. Nous y survivrons, mais à quel prix? Le clivage social pourrait devenir incontrôlable, le droit à une vie digne s’effriter, remplacé par une politique axée sur les affaires. Une politique de boutiquier. Ce programme est contre-productif. Paradoxalement, l’OpenVLD ne s’y est pas trompé qui craint pour l’avenir soutenable des classes moyennes.

La droite dure et une partie croissante de la population rejettent les déterminations sociales, préférant «les eaux glacées du calcul égoïste». Chacun∙e est responsable de soi-même. Le reste relèvera de la police.

Smart ne peut pas y opposer grand-chose. Sinon être nous-mêmes encore mieux: continuer à nous développer pour rester un mécanisme qui permet à chacun∙e de ne manquer aucune opportunité de revenus, pour produire le meilleur service afin de doter des travailleur∙ses en contrat à durée déterminée des mêmes droits sociaux que les travailleur∙ses en contrat à durée indéterminée, tout en s’adaptant aux nouvelles régulations. Et étendre cette sécurité aussi loin que possible. Dès à présent, partageons un appel à la solidarité entre tous les travailleurs et toutes les travailleuses car la régression des droits sociaux engendre ceci de pervers: nous diviser pour mieux régner.

Nous devons élargir notre horizon pour un avenir plus chaleureux que celui promis par les quatre prochaines années!

 

 

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